Un bras qui repousse ?

Publié le par Valériane Taront & Emilie Vanpoucke

Le phénomène de « régénération spontanée » est depuis longtemps un rêve chez l’homme. Pouvoir remplacer des parties du corps perdues ou malade serait un immense progrès mais parait impossible. Pourtant, un être vivant est capable de reformer une patte après amputation : la salamandre. La patte de la salamandre est plus petite qu’un bras, mais leur constitution est semblable. Peau, squelette osseux, muscle, ligaments, tendons, nerfs et vaisseaux sanguins, tout y est !

Alors comment la patte de la salamandre fait-elle pour repousser ?

Après amputation d’une patte, la surface d’amputation se couvre de cellules cutanées. Cette couche de cellules émet alors des signaux chimiques. Parallèlement, des fibroblastes atteignent le centre de la blessure et prolifèrent (les fibroblastes sont des cellules formant le tissus conjonctif). L’ensemble forme un blastème, amas de cellules souches. Ce dernier est indispensable  à la création d’un nouveau membre.

Susan Bryant montra que les cellules du blastème ressemblent aux cellules présentent dans l’embryon de la salamandre. La repousse d’un membre après amputation dériverait alors de la formation des pattes au stade embryonnaire. Le même programme génétique est donc impliqué dans les deux cas. Comme l’homme fabrique aussi des membres lors de son développement, il devrait posséder le programme génétique nécessaire à la régénération.

Comment fabriquer un blastème ?

L’expérience consiste à effectuer une légère incision de la patte de la salamandre. On observe alors les fibroblastes du tissu sous-cutané venant remplacer la peau manquante. C’est en greffant un nerf sur la blessure que le blastème est crée à partir des fibroblastes. Cependant, il manque quelque chose pour obtenir la formation d’un nouveau membre. Il faut greffer un morceau de peau qui provient du côté du membre opposé à la blessure mais situé au même niveau. Les fibroblastes des salamandres, gardent en mémoire les informations sur la position, c'est-à-dire qu’elles savent où elles se trouvent par rapport au membre entier. Chez la plupart des animaux, les cellules du membre en développement « oublient » d’où elles viennent une fois différenciées. L’ajout de ces fibroblastes chez la salamandre permet d’évaluer l’étendue de la blessure et de déterminer les parties manquantes en dialoguant avec les cellules du blastème. On comprend alors mieux comment la partie du membre qui repousse fait pour savoir ce qui manque et ce qui doit être remplacé.

 

L’ensemble de ces découvertes a permis de déterminer le processus à suivre pour la régénération des membres humains.

Un bras humain amputé crée une surface de blessure large et complexe traversant plusieurs tissus dont le derme. Pris individuellement ces tissus sont capables de se régénérer à l’exception du derme composé en partie de fibroblastes. Après une blessure ces cellules s’engagent dans un mécanisme nommé fibrose qui soigne la blessure en déposant un réseau non organisé de molécules formant à terme le tissu de la cicatrice. Cette réactions des fibroblastes de mammifère empêche la régénération et représente aussi un problème médical. En effet, les cicatrices peuvent perturber de façon permanente et progressive le fonctionnement de certains organes.

Des signaux émis par des cellules immunitaires arrivent sur le lieu de la blessure et attirent les fibroblastes qui eux même fabriquent en excès (à la différence des salamandres) de la matrice. Ces cellules anormalement formées se soudent entre elles et forment le tissu de la cicatrice. Certaines observations au niveau de la guérison de tissus fœtaux laissent penser qu’il y aurait une modification de la signalisation par l’environnement de la blessure (celui-ci contrôlant le comportement des fibroblastes). Il serait ainsi possible de changer la réaction de guérison en modifiant ces signaux.

D’autres expériences ont permis de montrer que le blastème lui-même est responsable des signaux empêchant la fibrose, il suffirait donc de déclencher la formation d’un blastème là où il n’est pas présent normalement.

De plus H.Chang et J Rihnn de l’université de Stanford ont montré que les fibroblastes humains adultes gardent en mémoire le système de coordonnées spatiales qui est nécessaire à la régénération des pattes de salamandre, son existence dans les fibroblastes humains suggère qu’il serait possible d’activer les programmes de développement participant à la régénération.

L’homme pourra-t’il bientôt remplacer à volonté des parties du corps endommagées ou malade ?

Des études complémentaires à venir permettront d’affirmer les hypothèses de ces mécanismes et nous pouvons espérer parvenir à reconstruire certaines parties du corps humain dans 10 ou 20 ans.

 

Source : POUR LA SCIENCE septembre 2008

 

 

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